Depuis 2008, la Fête du bois flotté puise la thématique de chacune des éditions dans le folklore local. La carte interactive présentée ici vous permet de découvrir l’emplacement des différentes œuvres dans la ville et d’en apprendre plus sur chacune des thématiques de la fête.
Plutôt qu’un conte ou une chanson, le thème de l’édition 2008 est tiré d’une légende locale, rapportée par Marius Barbeau dans son livre L’arbre des rêves (1948, p. 182-183) :
Aux Sauteux, de grosses montagnes en bas de la Tourelle, les ouvriers qui, la nuit, campaient sous une tente, entendirent des bruits étranges. On faisait le tour de la tente et on grattait la toile. Des cailloux dégringolaient de la montagne, sifflaient dans l’air et tombaient en s’émiettant. Antoine Brisebois, le postillon, fut bien surpris, un bon matin, de voir des hommes campés sur la plage. Il leur dit : « savez-vous pas qu’un mort est enterré ici? Voyez sa planchette, elle est plantée sur la pointe et gravée de lettres et de chiffres ».
Mais les hommes – Charles Samson, Joseph Ouellet, Joseph Pelletier et François Saint-Laurent – éclatèrent de rire. Ils n’avaient pas peur des morts.
Le même soir, un coup terrible retentit sur un arbre, tout près de la tente. L’arbre parut casser... Mais non! Le lendemain matin, il était intact. Un bruit de rames monta du plain; une barge vint atterrir. Mais ce n’était qu’un bruit, qui montait et descendait. Saint-Laurent, son fusil en main et son casse-tête à son côté, resta assis toute la nuit, sans fermer l’œil. Deux jours après, malade de douleur, il repartit pour la Tourelle. Les autres en firent autant, bien qu’il leur restât encore trois jours d’ouvrage.
Les nains qui, parfois, apparaissaient aux pêcheurs, sur le plain (la grève) au pied de rocs sauvages, gardaient des trésors enfouis après des naufrages. Ils sont de l’engeance des dragons chimériques. Le petit Bonhomme Gris est le gardien du trésor des Sauteux. Des âmes en peine – celle de matelots sacrifiés pour la surveillance de coffres-forts enfouis sur le bord de la mer après des naufrages – restaient jusqu’à dernièrement à leur poste de confiance, tout le long de la côte.
Là où se trouvent des ossements humains, sur le plain, on peut s’attendre à découvrir aussi un trésor caché, comme aux Quatre-Collets près la Tourelle. On y a déterré un squelette, paraît-il, ainsi que de l’argent. Mais personne n’a profité de cet argent.
En amont des Quatre-Collets s’est trouvé le trésor de la Chumée (Cheminée). Le père Saint-Laurent se plaisait à en parler : « mes petits enfants, vous savez que, le Soir des Morts, on voit des lumières où l’argent est caché. Apprenez que moi, j’ai vu une petite lumière au ras de la terre, près de la Chumée sur notre devanture. Il y avait de l’argent de caché là ».
Un jour, vint une chaloupe avec quatre étrangers à bord, qui fit terre sur la pointe. Ces hommes allumèrent un petit feu sur le rivage et, après que tout le monde fût couché, ils se mirent à piocher. Faut dire qu’ils possédaient une médrole, instrument à deux poignées de cuivre tournant sur des gonds, dont la pointe qui balance s’oriente d’elle-même vers les trésors enfouis. Le lendemain matin, ils étaient partis et le coffre-fort aussi. Les chercheurs étaient armés de lances pour le sortir du trou, qui avait un pied et demi de largeur et trois de longueur et quatre de profondeur. « Nous autres, il ne nous est rien resté, que le trou vide. Les autres avaient disparu avec les plus gros profits ».
Aux Sauteux, entre l’Anse-à-Jean et le Cap-aux-Renards, les pêcheurs voyaient le soir, sur la batture, de gros récifs, des feux et un petit homme costumé de gris, qui se promenaient, coiffé d’un bonnet à glands, comme les Écossais. C’était le petit Bonhomme Gris – son nom! – tout le monde l’avait vu. Il sortait d’une bouffée de fumée, où il apparaissait et disparaissant sans qu’on s’explique comment, des fois tout petit, d’autres fois, plus grand. Pas méchant, il épeurait les gens.
Il s’était perdu là grand nombre de bâtiments, dans les tempêtes. Au Ruisseau-au-Castor, dans les basses-mers, on voit encore des canons. Il y a eu des naufragés d’enterrés, parmi les grosses roches, aux Sauteux. Aussi y entend-on presque de tout temps des voix de l’autre monde.
Tirant ses origines en Scandinavie, la complainte Le roi Renaud s’est répandue en France à partir du 16e siècle. Marius Barbeau en a recueilli plusieurs versions dans le secteur de Tourelle, dont celles de Joseph Ouellet, Antoine Miville et François Saint-Laurent. La version de Joseph Ouellet est tenue en haute estime par les musicologues Raoul et Marguerite d’Harcourt, dans leur livre Chansons folkloriques françaises au Canada (1956) : « Par son lyrisme, sa pureté modale, la variété de sa courbe mélodique et la souplesse de son rythme, elle mérite d’être à la place d’honneur ». Les autres versions récoltées au Canada ne sont d’ailleurs pas en reste : « toutes apparentées, elles s’élèvent au-dessus des airs français les plus connus par la beauté et leur développement mélodique et rythmique » (p. 62).
Remontant au 18e siècle, cette chanson se présente comme un dialogue entre un homme bourru et sa femme adultère. Celle-ci nie l’évidence avec légèreté, tandis que son mari s’emporte et menace de lui trancher la tête! Très répandue en France jusqu’au 20e siècle, elle a été retranscrite pas moins de 12 fois de notre côté de l’Atlantique, dont deux fois dans le secteur de Tourelle. C’est la version de Madame Antime Lévesque, née Célina Vallée, qui était mise à l’honneur lors l’édition 2010 de la Fête. L’autre version a été recueillie auprès d’Antoine Miville.
Ce conte de Léon Collin est l’un des premiers récoltés par Carmen Roy auprès du pêcheur tourellois en 1949. Il raconte l’histoire d’un jeune homme qui quitte le foyer familial après la mort de son père, puis qui rencontre sur son chemin un lion, un aigle et une fourmi qui lui confèrent le pouvoir de se transformer en l’animal de son choix. Le conte est cité en 1955 dans la première édition de Littérature orale en Gaspésie, de Carmen Roy, à la page 213.
Cette chanson est la première que Marius Barbeau enregistre en Haute-Gaspésie, lors de son voyage de 1918. L’ethnologue raconte de bien belle façon sa rencontre avec le chanteur Gilbert Dumas dit Marin, dans son livre Le Romancéro du Canada (1937) :
Cette douce chanson me rappelle toujours Gilbert Marin, qui me la chanta sur la plage gaspésienne, le matin de mon arrivée à Sainte-Anne-des-Monts.
On m'appela à la porte de la cuisine, avant que le déjeuner fût fini. C'était M. Lepage, mon hôte. À ses côtés se tenait un pêcheur vêtu de flanelle à carreaux, massif et aux joues colorées. Il me regardait doucement, avec des yeux bleus, sans parler, ni même sourire. Il était connu pour ne jamais rire. Il me parut très vieux.
Gilbert Marin, voilà son nom, ou plutôt Dumas. Il était né dans une « barque pêcheuse », quand ses parents écumaient des épaves après un naufrage, à l'Anse-Pleureuse. C'est pourquoi on l'appelait Marin. Il était Neptune personnifié, avec son épaisse barbe blanche et ses longs cheveux d'argent.
M. Lepage me dit qu'il était un chanteur remarquable. Justement l'homme que je cherchais! Voulait-il me chanter une chanson? Chanter? Mais ça lui était aussi naturel que la parole. Il commença. Ses premiers mots furent : « Lisette, fais-moi un bouquet, qu'il soit bien fait! Qu'il soit de roses, de feuilles vertes! »
Sa voix était puissante et mélodieuse. Elle me fit une impression profonde. Souple, elle s'élargissait dans de belles courbes et détaillait des appogiatures gracieuses, à la manière gaspésienne. Pleine de chaleur, elle était toutefois un peu haletante. Ce qui impressionnait surtout dans son timbre c'était une couleur douloureuse venant de l'âge. Le chanteur avait passé quatre-vingts ans.
Quant à sa chanson, elle roucoulait d'amour; elle parlait du printemps et des fleurs. Il la chantait encore tous les soirs, avec bien d'autres, sur la plage, en apprêtant ses lignes. Il avait survécu son temps. N'importe, il chantait encore, par habitude. Et on pouvait l'entendre à un mille de distance. Sa manière de chanter me surprenait, me charmait : elle était si émouvante, si archaïque. Il faisait penser à un jongleur tombé des pages enluminées de quelque parchemin moyenâgeux (p. 127-128).
Récolté en 1949 par Carmen Roy, auprès de l’intarissable conteur de Tourelle Léon Collin, ce conte relate l’histoire d’un jeune homme sans le sou qui part de chez ses parents pour trouver du travail. Chemin faisant, il cassera la croûte avec une sorcière bienveillante, deviendra un célèbre tireur de cartes, passera près de se faire décapiter par le roi, se fera capitaine de bateau, visitera un royaume enchanté, habité par une jolie princesse…
Dans cette chanson bien implantée dans le Canada francophone, un galant homme invite une jeune demoiselle à cueillir des légumes frais dans son jardin, alors que la belle préférerait bien des pigeonneaux et du bon vin! En France, les musicologues Raoul et Marguerite d’Harcourt notent qu’il est plutôt question de cueillir la violette que des légumes frais (Chanson folkloriques françaises au Canada, 1956, p. 217). Quoiqu’il en soit, il faut prendre garde de la distinguer d’autres chansons qui commencent par les mots « Dedans Paris y’a’t’une brune », où il est tantôt question d’une brune qui se mire dans un miroir d’argent, tantôt de d’amants qui se promettent l’un à l’autre. La version du déjeuner au jardin, quant à elle, a été recueillie chez nous auprès de François Saint-Laurent, Jean-Baptiste Dupuis, Christophe Servant et Léon Collin.
Recueillie auprès de François Saint-Laurent et Antoine Miville, cette chanson raconte l’histoire d’un loup qui décime un troupeau de 200 moutons, au grand désarroi de la fille du berger qui en avait la garde. En France, il arrive que les moutons soient plutôt 500 ou 600, mais chose certaine, les loups n’en prennent jamais plus de 15! Chanson en forme de ronde, elle a fait danser des générations dans toute la France, selon Raoul et Marguerite d’Harcourt (Chanson folkloriques françaises au Canada, 1956, p. 401).
Pour une troisième année, la Fête du bois flotté fait appel en 2016 au répertoire fulgurant de Léon Collin. Il faut dire que le pêcheur nous a légué près d’une centaine de contes! Certaines de ses histoires, comme celle du lutin Margotte, font parfois écho à des croyances populaires qui se retrouvent encore au sein de la population au tournant des années 1950, quand l’ethnologue Carmen Roy rencontre Monsieur Collin. L’imaginaire des habitants est alors encore peuplé de lutins, géants, sirènes et autres créatures surnaturelles. Petits êtres mesquins, les lutins sont connus pour tresser la crinière des chevaux à la nuit tombée, comme dans le conte de Margotte.
Carmen Roy note que la persistance de telles croyances au beau milieu du 20e siècle s’explique sans doute par le double isolement du côté nord de la Gaspésie, « pays longtemps sans route, et pays à habitats dispersés, dans un climat exceptionnellement rigoureux ». Cet isolement perdure jusque dans les années 1920, où commence la construction de la 132. Roy rapporte qu’à l’époque, on « ose plus facilement affronter la loi [...] que brandir une arme devant un revenant ou tendre un piège à l’entrée d’un ‘’Trou de fée’’. [...] Et certains braves pêcheurs gaspésiens, qui luttent si courageusement contre les plus redoutables tempêtes, sont les premiers à virer de bord aux avertissements des sirènes de mer » (Littérature orale en Gaspésie, 2e édition, 1981, p. 121).
C’est le conteur Alfred Saint-Laurent qui est à l’honneur pour l’édition 2017, avec son conte Le ruban vair. Le conte relate les aventures d’un jeune garçon qui trouve dans la forêt un ruban de vair, qui lui confère une force surnaturelle. Hérité de l’ancien français, le mot « vair » désigne généralement une fourrure de couleur grise. Certains chercheurs se demandent d’ailleurs si la célèbre chaussure de Cendrillon n’était pas à l’origine de « vair » et non de « verre » … ! Peuplé de géants et de licornes, le conte de Saint-Laurent a été publié dans le recueil Contes populaires Gaspésie (1952), édité par Carmen Roy et illustré par Madeleine Laliberté.
L'édition 2018 marquait les 100 ans du premier passage de Marius Barbeau en Haute-Gaspésie, en 1918. Pour l'occasion, les organisateurs ont choisi la chanson Belle Virginie, de la tourelloise Marie-Anne Dupuis, qui a été réinterprétée par quatre jeunes de la région. Vous pouvez entendre leur version au Jardin du souvenir, où se retrouvent les quatre sculptures créées lors de l'événement.
Pour l'édition 2019, les sculpteurs se sont inspirés du conte "Le bonnet rouge", recueilli auprès de Léon Collin. Or, il se trouve que l'enregistrement de Monsieur Collin est incomplet : les artistes ont donc eu la tâche d'imaginer la fin du conte, reflétée dans chacune de leurs œuvres. Le conteur Philippe Garon a quant à lui imaginé une mouture plus contemporaine, à partir de la version de M. Collin et d'autres recueillies ailleurs au Québec. Son interprétation, intitulée "Marlin", a été présentée devant le public lors de l'ouverture et de la clôture de l'événement.
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